Nancy Huston, Lignes de Failles

Quel roman! cela fait des années que j'apprécie les livres de Nancy Huston, mais là c'est l'éblouissement. Un vrai choc. On a beaucoup parlé de ce roman dès septembre, on a aussi beaucoup entendu son auteur. Mais rien à côté de sa lecture.

D'abord la structure. Quand bien même l'auteur l'a écrit dans l'ordre chronologique, avant de l'inverser, nous, lecteurs découvrons l'histoire à l'envers. Et cette structure est éblouissante. On découvre les personnages à rebours, cherchant à tâtons à comprendre les causes de leur difficulté à être, à être ensemble. C'est une histoire de famille, quatre voix se répondant parfois, racontant leur vie, leur famille, se racontant, avec, en toile de fond, le secret de famille, le mystère de l'enfance de l'arrière-grand-mère en Allemagne. quatre personnages, fixés au même âge, liés par leur filiation, leur histoire commune, même tue, et un grain de beauté.

Le premier personnage vit en 2004, il a six ans et s'appelle Sol, pour Solomon ou Soleil. Un petit garçon abominable à mes yeux, un vrai tyran d'un égocentrisme hallucinant. Une image presque excessive de cette Californie dans ce qu'elle a de pire. 
Sol passe la parole à Randall. Cet enfant est le futur père de Sol, mais e, 1982, il le fils de Sadie, mère peu présente, remplacée -vraiment?- par un père très présent, aimant. Il y a aussi Kristina, la grand-mère aimée,  la confidente. Et il y aura le départ en Israël.
Sadie petite fille évoque l'absence, sa mère absente,  son amour immense pour cette femme, sa difficulté à exister à ses yeux. Et à force de remonter le fil de cette faille, nous retrouvons celle autour de qui tout s'organise, et son enfance dans l'Allemagne de 1945.

Et je retrouve la réalité des lebensborn, sur lesquels j'avais lu un article il y a longtemps. L'horreur de ce programme de création d'une race pure. et la difficulté de vivre avec un passé si lourd. Et la douleur qu'engendre le silence. Pour ceux qui se taisent et pour ceux qui restent dans l'obscurité.

Un très grand roman.